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Luc, évangéliste de l’année liturgique

 Par Anselm_Grün

L'influence de l'Évangile de Luc sur l'histoire de l'Église ne découle pas seulement de l'éthique nouvelle qu'il a proposée, mais aussi du cheminement spirituel auquel il nous convie, marqué surtout par la prière personnelle. Ce chemin concerne cependant aussi la liturgie de la communauté, qui réactualise aujourd'hui pour nous le ministère de Jésus et considère traditionnellement Luc comme l'évangéliste de l'année liturgique. Il y a pour cela plusieurs raisons. D'abord, son Évangile commence dans le Temple, où Zacharie, dans l'exercice de sa fonction sacerdotale, se voit promettre qu'il aura un fils, et il s'achève sur le chant de louange des disciples, dans le même lieu : « Ils étaient continuellement dans le Temple, célébrant Dieu» (24,53). Cette conclusion montre que Luc pense au service divin dans la communauté, occasion pour elle de se remémorer solennellement et de réactualiser les grandes actions accomplies par Dieu en Jésus.

Luc décrit l'activité de Jésus, qu'il concentre sur une année, comme une année de salut. Jésus considère que sa mission est de « déclarer publiquement une année en faveur du Seigneur» (4,19). Cette année de grâce que Dieu nous a accordée en Jésus Christ, le déroulement de l'année liturgique la répète afin qu'elle s'imprime toujours plus profondément dans l'histoire. La plupart des fêtes liturgiques remontent à Luc, par exemple la Saint-Jean le 24 juin et le 24 décembre, jour de la Nativité (1,26). Le temps compris entre Noël et la Chandeleur renvoie à l'histoire de la naissance de Jésus telle que nous la rapporte Luc ; le carême, Pâques, l'Ascension et la Pentecôte ont aussi leur origine chez lui. Mais Luc a donné à l'Église bien plus que ses fêtes et leur articulation. Se fondant sur son Évangile, des théologiens grecs ont développé une théologie spécifique de l'année liturgique, à partir surtout de deux idées importantes : sa théologie de l'histoire et sa conception du spectacle.

La théologie de l'histoire

En tant que Grec, Luc considère l'histoire comme le lieu où Dieu apparaît aux hommes. La formule kai egeneto «et il arriva que... » est sans doute sa tournure préférée. La vie de Jésus fut et reste un événement historique important pour les humains ; il les met en mouvement, il opère guérison et salut. Ce qui s'est alors passé est réactualisé lors de chaque service divin ; pour les participants, la commémoration des actions historiques de Dieu les renouvelle dans l'instant présent; les fidèles sont touchés en leur cœur et transformés par les événements de la vie de Jésus. Tout au long de l'année liturgique, cette histoire se répète et s'imprime toujours plus profondément dans celle du monde, et s'y impose. C'est ainsi que la rédemption accomplie pendant l'année de grâce de Jésus opère sur l'être humain et atteint toutes les générations. L'homme est par essence un être historique, il est marqué par l'histoire et c'est en elle qu'il se réalise, il ne peut devenir lui-même que dans son rapport à elle. Luc prend très au sérieux cette dimension de l'homme. Il est familiarisé avec la philosophie grecque de l'histoire, qui voit dans celle-ci le prolongement des événements passés ; la mémoire et le souvenir sont les canaux par lesquels ils continuent d'agir sur notre être historique. La mémoire de l'histoire du salut, dont Jésus représente le point culminant, rend présent le passé afin qu'en l'intériorisant nous nous laissions atteindre dans notre cœur par ce qui est attendu de nous. C'est ainsi que la rédemption opérée par Jésus nous atteint encore aujourd'hui.

Le septuple « aujourd'hui »

Quand nous célébrons l'Eucharistie, ce qui fut l'«aujourd'hui» du temps de Jésus redevient actuel pour nous, ainsi que le montre ce mot sept fois répété. À l'occasion des événements capitaux de la vie de Jésus, Luc raconte qu'en ce jour, « aujourd'hui », les hommes ont été sauvés. Le premier « aujourd'hui » concerne la naissance de Jésus. L'ange annonce aux bergers qu'« aujourd'hui, dans la ville de David, un libérateur est né pour vous. Il est christ, seigneur» (2,11). En ce jour s'accomplit la promesse, faite par l'Ancien Testament, d'un Messie libérateur du peuple. Lors du baptême de Jésus, la voix venue du ciel dit (selon les principaux manuscrits, et Luc reprend sans doute le texte original) : « Tu es mon fils, moi, aujourd'hui je t'ai engendré» (3,22; version de la Bible de Jérusalem). Dans le baptême, la filiation divine de Jésus est confirmée et il reçoit le Saint-Esprit, dont la puissance l'accompagnera sur son chemin afin qu'il guérisse les malades et accomplisse les œuvres de Dieu. Prêchant pour la première fois à la synagogue de Nazareth, Jésus, après avoir lu dans Isaïe l'annonce d'une « année de grâce », déclare lui-même : « Aujourd'hui vous l'entendez, cette écriture est réalisée» (4,21). L'entrée en scène de Jésus marque le début de l'année de grâce ; en ce jour la promesse du prophète se réalise sous les yeux de tous : les pauvres reçoivent une bonne nouvelle, la libération est annoncée aux prisonniers et la lumière aux aveugles. Quand Jésus guérit le paralytique, « Tous se sentent transportés hors d'eux-mêmes, ils célèbrent la splendeur de Dieu et, dans la crainte, ils disent : Aujourd'hui, nous avons vu des choses extraordinaires» (5,26). Lors du repas de Jésus chez le publicain Zachée, le mot « aujourd'hui » est employé deux fois de suite : «... je dois loger chez toi aujourd'hui» (19,5); et quand Zachée est transformé en son cœur par l'attention que Jésus lui a témoignée et promet de donner aux pauvres la moitié de ses biens, Jésus lui dit : « Aujourd'hui le salut est arrivé dans cette maison» (19,9). Quant à la dernière occurrence du mot, elle se présente lors de la crucifixion. Lorsque le « bon larron » prie Jésus de se souvenir de lui en arrivant dans son Royaume, Jésus lui répond: «C'est certain, crois-moi, aujourd'hui tu seras avec moi dans le paradis » (23,43). On pourrait rapprocher ce septuple « aujourd'hui » des sept sacrements, par lesquels s'opère sur nous ce qui arriva en et par Jésus en son temps. Aujourd'hui nous renaissons, aujourd'hui nous recevons l'onction du Saint-Esprit, aujourd'hui nos péchés nous sont remis, aujourd'hui nos maux sont guéris, aujourd'hui Jésus dans sa bonté et son amour des hommes partage un repas avec nous, aujourd'hui, enfin, nous célébrons la mort et la Résurrection de Jésus et nous nous sentons déjà transportés au paradis, participant à sa gloire.

Ainsi donc les principales étapes de la vie de Jésus sont liées au mot « aujourd'hui ». Ce mot était compréhensible aussi bien pour les Juifs que pour les Grecs. Le psaume 95 dit : « Aujourd'hui, si vous écoutez sa voix » (7 sq.). Le Dieu qui a parlé jadis aux Israélites nous parle « aujourd'hui » dans la liturgie, afin que nous n'endurcissions pas nos cœurs mais nous laissions transformer par sa Parole. Eux aussi les Grecs connaissaient le mot ;  pendant la célébration nocturne des mystères, le prêtre disait aux adeptes : « Aujourd'hui, la Vierge a enfanté la Lumière. » Ils célébraient ce qui était arrivé en leur temps, afin que cela arrive « aujourd'hui » et touche nos cœurs. Dans leurs cultes, les Grecs cherchaient à se rattacher au temps sacré où les dieux avaient accompli leurs exploits ; ce temps des origines redevenait présent, et le temps profane s'y dissolvait avec ses impuretés. Dans ces liturgies, celui qui se remémorait le temps sacré, le temps du salut, renaissait, pour ainsi dire, il repartait dans l'existence avec des forces neuves et intactes (cf. Eliade, p. 47). Pour les Grecs, la motivation de ces cultes était la nostalgie des origines, du paradis, de la sainteté et de l'être ; le désir de faire retour à la pureté, à la fraîcheur et à la force qui avaient caractérisé le monde in illo tempore. Quand les premiers chrétiens entendaient dans leur liturgie le mot « aujourd'hui », ils savaient que le Christ lui-même était présent parmi eux ; ce qui les touchait, les changeait en leur cœur, les guérissait de leurs blessures, les chrétiens d'«aujourd'hui» en font eux aussi l'expérience. Jésus leur parle, touche leurs yeux aveugles et leur corps lépreux. Par cette théologie de l'instant présent, Luc montre la voie qui franchit le « fossé affreux de l'histoire » et nous permet de trouver dans l'action de Jésus le salut et la guérison.

Une théologie du spectacle

Luc a enrichi la théologie de l'année liturgique sur un autre aspect : la conception grecque du spectacle. Les Grecs aimaient le théâtre. Le spectacle représente les conflits entre les hommes, avec tous les affects et les passions qui s'y déploient; on y voit se révéler l'être humain dans sa polarité, partagé entre le bien et le mal, la lumière et les ténèbres. Ainsi le spectateur entre en relation avec ses propres émotions réprimées ; il découvre les abîmes de son cœur, il reconnaît ses besoins et ses aspirations, ses tentations et son déchirement intérieur. Pour les Grecs, le spectacle produisait un effet de catharsis, de purification. Assistant à un spectacle, nous sommes transformés ; nos émotions sont décantées, nous entrons en contact avec notre être authentique, notre Soi, la pure image que Dieu s'est faite de nous. Luc a décrit la vie de Jésus comme un spectacle qui saisit le spectateur et le convertit, et les premiers chrétiens en étaient tout naturellement venus à se représenter la liturgie comme un spectacle, à se frapper la poitrine et à s'en retourner chez eux transformés. Les premiers Pères de l'Église qui ont élaboré une théologie du culte étaient surtout des Grecs ; ils reprirent l'idée du spectacle qu'ils trouvaient d'une part chez Luc, d'autre part dans les cultes initiatiques pratiqués dans leur entourage, les mystères. Nous ferions bien aujourd'hui de nous inspirer de cette théologie du spectacle ; nos services divins en seraient plus attrayants, et ils représenteraient aux fidèles l'histoire de Jésus de telle façon qu'ils en seraient touchés comme le furent en leur temps les lecteurs de Luc. Même certaines personnes qui assistent à un service sans faire partie de l'Église sont aujourd'hui sensibles au langage de Luc, quand par exemple sont lues l'histoire de la naissance de Jésus, ou celles du fils prodigue ou des pèlerins d'Emmaüs.

Luc et la prière liturgique

Dans son Évangile, Luc a donné à l'Église trois prières, trois psaumes qui sont chantés chaque jour : le Benedictus, l'action de grâces du matin, le Magnificat, celle du soir, et le Nunc dimittis, celle de la nuit. Ces trois hymnes expriment, selon moi, tout l'art avec lequel Luc relie le passé, le présent et l'avenir. Elles louent Dieu pour ce qu'il a fait jadis et ce qu'il fait aujourd'hui en notre faveur. Chaque jour ainsi que lors des différentes fêtes, nous prononçons ces mêmes mots, qui ne décrivent pas seulement ce qui s'est passé lors de la naissance de Jean ou de celle de Jésus. Ils sont au contraire ouverts au mystère de chaque fête : Noël, la Chandeleur, Pâques, le lundi de Pâques, la Pentecôte, l'Ascension, l'Assomption ou la Toussaint ; dans toute célébration liturgique est un rappel de la bienveillante action de Dieu.

Le chant de louange de Zacharie, qui est en fait un poème saluant la naissance du Baptiste, Luc le place délibérément avant la naissance de Jésus ; il y voit exprimé le mystère de l'Incarnation, que nous nous remémorons chaque matin. En Jésus, Dieu nous a visités, il est devenu notre hôte, et en tant que tel, dans sa miséricorde, il nous a fait don de la délivrance, « soustraits à la main de nos ennemis » (1,74), offert la possibilité de vivre sans peur, « pieux et justes, face à lui, pour toute notre vie» (1,75). Quant à la naissance de Jésus, elle est chantée comme la lumière descendue du ciel vers nous. En Christ, c'est le soleil du salut qui nous apparaît et illumine pour nous les ténèbres de la mort, afin que nous dirigions nos pas vers le chemin de la paix (1,79). L'image de l'astre qui se lève était connue aussi bien des Grecs que des Juifs. Le Christ est la figure de la lumière céleste, la véritable étoile du matin qui se lève dans nos cœurs. L'Église le célèbre chaque jour pour professer que le soleil levant est l'image du Christ qui dissipe nos ténèbres, nous apporte la lumière et nous mène vers la paix.

Dans la liturgie du soir, les vêpres, le Magnificat aussi est chanté chaque jour. C'est l'hymne de Marie, qui célèbre non seulement ce que Dieu fait par elle mais aussi toute son action dans l'histoire, par Jésus, le Christ, qui bouleverse les critères de ce monde et inverse les rapports de pouvoir. Ce chant, Luc l'a composé à partir de différentes prières juives ; il présente des analogies avec certains psaumes pharisiens, mais en même temps il évoque des motifs grecs ; dans la littérature grecque aussi, le renversement des situations établies est un topos bien connu. La liturgie chrétienne   , n'a pas interprété le Magnificat seulement par rapport à la naissance de Jésus, mais toujours aussi à la lumière de sa mort et de sa Résurrection, qui ont aboli tous les repères de ce monde. La naissance de Jésus montre déjà clairement que le Seigneur du monde naît en la personne d'un enfant pauvre, et que les riches sont dépossédés. Ce qui a débuté par cette naissance s'achève et s'accomplit dans la mort et la Résurrection de Jésus ; le supplicié se révèle être roi, le mort est l'initiateur à la vie, la lumière brille dans les ténèbres, la vie renaît dans le tombeau. Avec le Magnificat, Luc a offert à l'Église un chant qui présente le mystère de Jésus en des images qui sont aussi celles de notre propre vie transfigurée. Regardant Marie et Jésus, je découvre la grande œuvre que Dieu accomplit en moi et par moi ; ainsi le Magnificat devient ma prière du soir, par laquelle je remercie Dieu d'avoir abaissé sur moi son regard. Ce chant associe donc non seulement le passé et le présent, mais aussi l'expérience de Marie et ma propre expérience, la destinée de Jésus et ma destinée. Luc sait habilement rendre présent le passé, établir un lien entre l'histoire de Jésus, celle de l'Église et notre propre histoire personnelle ; son Magnificat est en ce sens une réussite sans égale. En le récitant, nous glorifions jour après jour avec Marie la grâce que Dieu nous a accordée.

À complies, pour la nuit, l'Église chante l'hymne d'adieu du vieux Siméon. Là encore nous retrouvons le double sens des mots. Siméon remercie Dieu pour ce qu'il lui a été donné de vivre, voir le salut dans cet enfant qu'il tient dans ses bras, la « Lumière de révélation destinée aux nations ; lumière de la gloire d'Israël, ton peuple» (2,32). En même temps, c'est notre chant à la fin du jour ; nous avons vu le salut que Dieu nous destine, la lumière du Christ s'est levée pour illuminer en nous le croyant et l'incroyant. La prière de Siméon, c'est l'entretien avec Dieu au moment de la mort; quand vient la nuit, c'est aussi pour nous une préparation à la mort. La nuit de la mort a perdu son caractère effrayant, parce que en Jésus nous avons vu le salut et la vie dans leur plénitude ; nous les avons vus non seulement dans la naissance de Jésus, mais dans le jour qui s'achève. Dieu nous montre le salut quand il nous touche dans notre silence, ou quand, rencontrant un être humain, nous voyons resplendir le mystère de Dieu. Parce que nous avons vu le salut, nous pouvons nous abandonner cette nuit, rassurés, dans les bras aimants de Dieu.

L'Église aime ces trois chants que Luc lui a offerts, et bien des fidèles les chantent chaque jour. Ils les sentent chargés de poésie, ouverts, capables de porter devant Dieu tout ce que nous vivons au jour le jour. Ainsi donc, Luc est présent dans la liturgie quotidienne, et c'est pourquoi son action se prolonge plus que toute autre dans l'Église ; lors des grandes fêtes, nous entendons lire des extraits de son Évangile et de ses Actes ; durant l'Avent, nous lisons son Évangile plus que les autres, et chaque jour au temps de Pâques, les Actes des Apôtres. Chaque matin et chaque soir nous lisons ces chants, toujours nouveaux bien que Luc les ait écrits il y a près de deux mille ans ; un poète, en vérité, celui qui nous a fait don de ces mots, de ces paroles où, regardant Jésus, nous pouvons trouver le sens de notre vie.

Conclusion

De nos jours, on a collé sur Luc bien des étiquettes : évangéliste des pauvres (Degenhart), de la vie quotidienne (Venetz), de l'année liturgique (Grundmann), des femmes (la théologie féministe), premier théologien de la libération. Son Évangile a été redécouvert surtout par la théologie féministe et par la théologie de la libération. La théologie protestante, elle, ne lui a guère accordé d'attention. Bultmann lui a dénié tout apport théologique utilisable ; il mesurait Luc à l'aune de la doctrine paulinienne de la justification, et constatait non sans raison qu'il représentait une théologie autre que celle de Paul. Or il est bon qu'il n'y ait pas seulement Paul mais aussi Luc, qui rend Jésus proche de nous dans son humanité et s'entend à nous raconter des histoires propres à toucher le cœur et à inciter à la conversion. Luc n'a pas son pareil pour parler des femmes, non seulement parce qu'il est le seul à rapporter que Jésus était accompagné par d'autres encore que les Douze : par quelques femmes (cf. 8,2 sq.), disciples au même titre que les hommes. Luc touche le cœur des femmes parce qu'il ne tient pas des propos moralisateurs, mais raconte des histoires ; elles apprécient Luc parce que son discours n'est pas théorique, mais toujours proche de ses lecteurs, avec lesquels il crée un lien ; son Évangile en acquiert une qualité différente, plus humaine.

Luc est tout aussi actuel aujourd'hui qu'en son temps ; il sait rapprocher de nous ce Jésus qui est devenu étranger à bien des gens. L'image que Luc donne de lui est attirante, fascinante ; nullement simple, harmonieuse, elle comporte aussi des traits qui dérangent, qu'on ne peut pas ignorer et qu'il faut affronter. Certaines assertions sont provocantes ; en même temps, ce Jésus fascine par sa façon de parler et d'agir. Le travail de traducteur que Luc a fourni pour les Grecs cultivés de son temps devrait être poursuivi. Dans quel contexte parlons-nous aujourd'hui de Jésus? Dans quelle mesure notre horizon correspond-il à celui de la pensée hellénistique ? Celle-ci était en effet un conglomérat d'éléments grecs, égyptiens, perses et juifs. Le parallèle est évident avec le pluralisme culturel de notre temps. Notre tâche serait donc de traduire Luc dans la perspective de notre propre horizon ; dans le dialogue avec les autres religions et sans les dévaloriser, il pourrait nous aider à comprendre ce que Jésus a de particulier, d'unique. Les autres traditions religieuses précisément, peuvent nous ouvrir les yeux sur le mystère de Jésus dans toute sa profondeur.

Luc est moderne par sa théologie de la justice sociale ; dans les années à venir, la correcte répartition des biens sera le thème majeur de la politique. Si l'écart continue à se creuser entre le Nord et le Sud, il provoquera des confrontations armées. Pour vivre dans une paix durable, il nous faut écouter aujourd'hui la voix de Luc ; la paix n'est pas seulement un idyllique message de Noël, elle exige des actes, et pour Luc ceux-ci consistent avant tout dans le partage des richesses ; à ce qu'il avait ainsi compris, nous ne pourrons pas échapper. Ce n'est pas en vain que Luc est qualifié d'évangéliste des pauvres.

En lisant Luc, chacun aura ses textes préférés, sera interpellé et touché surtout par tel ou tel récit. Je souhaite au lecteur de porter sur lui un regard neuf, comme s'il ne l'avait encore jamais lu ; peut-être alors l'actualité de son message lui apparaîtra-t-elle. Puisse-t-il faire la même expérience que les pèlerins d'Emmaüs : «Notre cœur n'a-t-il pas brûlé lorsqu'il nous parlait sur la route et qu'il nous dévoilait les Écritures?» (24,32). Puissent son cœur brûler et ses yeux s'ouvrir à la compréhension du mystère de l'amour miséricordieux de Dieu, qui nous a illuminés en la personne de Jésus Christ descendu sur la terre.

 


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Modifié le  14-02-2012.